Extrait

« Constatant le sommeil profond de son époux, Anne se dégagea de l’emprise de ses bras et se releva lentement. À pas feutrés, elle s’éloigna de la lumière réconfortante du feu.

Un craquement sec se fit entendre sur sa gauche. Le pâle halo de la lune révéla alors une paire d’yeux d’un jaune démoniaque. La peur au ventre, Anne déglutit péniblement en réalisant qu’un loup se tenait maintenant à ses côtés. Il était évident, vu sa maigreur prononcée, que la bête solitaire n’avait rien mangé depuis fort longtemps, et ne disait-on pas qu’un tel état de famine menait tout droit au désespoir? Ce loup n’avait donc plus rien à perdre, mais au contraire tout à gagner. Les cicatrices visibles qui zébraient son œil gauche et son oreille droite dénotaient un tempérament de combattant.

Le cœur en déroute, Anne recula à pas mesurés. Sa gorge soudainement asséchée ne laissait sortir aucun son. Avisant du coin de l’œil une branche solide, elle se pencha lentement et tâtonna quelques secondes à l’aveuglette avant que ses doigts tremblants ne se referment sur l’une de ses extrémités. Il était hors de question qu’elle quitte la bête des yeux; celle-ci pourrait profiter de ce moment d’inattention pour lui sauter à la gorge. Le loup gronda et montra ses crocs acérés lorsqu’elle pointa la branche dans sa direction. Anne frémit et chassa les visions d’horreur qui s’imposaient d’elles-mêmes à son esprit. »

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« Anne s’engagea dans le sentier en tremblant. Sa rencontre avec les ivrognes l’avait profondément secouée, réveillant des souvenirs confus dans sa mémoire. Elle avait couru sans arrêt depuis sa fuite. Ses poumons étaient en feu et sa respiration, douloureuse. Le souffle court et les jambes flageolantes, elle se laissa choir au pied d’un immense sapin. Tout en se tenant les côtes, elle chercha à réfréner les images qui l’envahissaient brusquement.

De petits bruissements furtifs sur le sol et des craquements de branchages la firent sursauter. Elle se tassa sur elle-même et risqua un bref coup d’œil derrière l’arbre. Quelle ne fut pas sa stupeur en apercevant entre les fougères plusieurs guerriers. La peur au ventre, elle se dissimula du mieux qu’elle put dans l’ombre du tronc et ferma les yeux. La vision d’une bataille sanglante s’imprégna dans sa tête. Elle était en danger! Percevant alors le raclement des sabots des chevaux contre les pierres, elle comprit que les hommes avaient mis pied à terre et s’approchaient. »

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« - Parle! s’écria-t-elle alors, au comble de l’angoisse. 

Jean se passa avec nervosité une main dans les cheveux. Il ne pouvait en son âme et conscience amener Anne auprès de son époux, pas dans les conditions actuelles. Levant alors un visage ravagé vers elle, il comprit qu’elle ne lâcherait pas le morceau sans voir obtenu des réponses à ses questions. Refrénant un soupir impatient, il la toisa avec irritation. 

-  La fosse est un trou profond et étroit dont le fond est recouvert d’eau croupie, commença-t-il d’un ton dur. Les prisonniers y sont descendus par une corde, et la trappe au-dessus d’eux est refermée, les isolant ainsi du reste du monde. C’est un environnement obscur et humide, Anne. Une fois à l’intérieur, il est impossible de s’asseoir. Un homme ne peut survivre très longtemps dans de telles conditions. C’est dans cet endroit sordide que s’est retrouvé ton époux, et j’ignore combien de temps il y est demeuré.

-  Non…, cria-t-elle avec une force inouïe. Lâche!

Submergée par la colère, elle se jeta sur le gardien, toutes griffes dehors. Jean dut la saisir à bras-le-corps pour la contenir. Elle se débattait comme une vraie furie. Le garde recula de quelques pas afin de se placer hors de sa portée. »

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« Sans broncher, elle leva le menton afin de soutenir son regard. Fin chasseur, Marcus sentait son agitation. Il adorait relever les défis, et Abbygaelle en était un de taille. Maintenant qu’il avait pris la décision de laisser libre cours à son inclinaison, il était plus que jamais à l’affût de ses réactions.

 - Abby, susurra-t-il d’une voix envoûtante en insérant ses doigts dans sa chevelure.

Alors qu’il soulevait ses boucles rebelles avec sensualité, son souffle chaud effleura sa nuque, lui arrachant un tressaillement. Puis, une odeur boisée l’envahit, lui engourdissant les sens. Abbygaelle chercha à calmer les battements désordonnés de son cœur. Marcus fit glisser ses mains le long de son cou dans une caresse légère. Avec lenteur, il se pencha vers elle.

- N’aie crainte, Abby, je ne te veux aucun mal, murmura-t-il en laissant fuser une faible dose de ses phéromones. 

Abbygaelle se figea lorsque ses lèvres frôlèrent sa bouche dans un baiser tendre. Bien malgré sa volonté, elle émit une complainte rauque avant de s’alanguir contre lui. Afin de ne pas la bousculer, il la libéra de son emprise, se réjouissant en silence de son égarement évident. Quelque chose au fond d’elle-même remua avec une telle vigueur qu’elle vacilla. »

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« Soudain nerveux, Keith se releva d’un bond, arpentant la pièce d’un pas saccadé. Il s’arêta net devant elle.

-          C’est trop risqué, Alicia, déclara-t-il avec rudesse.

-          Je te crois sur parole, lâcha-t-elle en le rejoignant. Malgré tout, il me faut avoir accès à ces connaissances.

-          Par tous les feux de l’enfer, òigh! Tu cours à ta perte si tu persistes dans cette voie! S’enflamma-t-il, la peur au ventre.

-          Si tu y es arrivé, j’en serai capable également.

-          C’est un prix beaucoup trop élevé! s’énerva-t-il davantage en constatant qu’elle demeurait campée sur ses positions.

Un silence lourd s’installa entre eux. Keith était abasourdi. Il n’avait jamais lu une telle détermination dans son regard. C’en était presque confondant. Derrière la femme fragile, il voyait désormais la guerrière qu’elle pourrait devenir. L’attrapant par les épaules, il se pencha sur elle, la dominant de toute sa hauteur. Elle ne broncha pas, le défiant sans crainte. Keith comprit qu’elle ne se laisserait pas détourner de son objectif. Soit il serait celui qui l’initierait à la magie  noire, soit elle trouverait un autre moyen d’y parvenir. Sous la colère, il la relâcha brutalement. Rongé par ses propres démons, il se détourna, mais pas assez rapidement toutefois, car Alicia eut le temps de lire sur son visage défait toute la souffrance qui était la sienne.

-          Keith… l’implora-t-elle d’une voix douloureuse.

-          Les connaissances que j’ai acquises l’ont été en échange d’énormes sacrifices, Alicia. J’ai failli me perdre en chemin… Comment peux-tu croire que je risquerais ton âme aussi facilement?

-          Tu seras là pour me protéger, Keith. J’ai confiance en toi. »